Histoire d’un avocat de banlieue qui n’aurait pas dû tomber malade

 Aujourd’hui, contrairement aux sujets d’actualités juridiques traités habituellement sur ce blog, je vais vous raconter un conte imaginaire. C’est l’histoire un peu triste d’un modeste avocat de banlieue parisienne qui est tombé brutalement très malade, et qui a subi les foudres de sa banque le LCL, de l’URSSAF, des impôts, du CNBF, de la RAM , de quelques créanciers dits chirographaires et qui a perdu une bonne partie de ses relations. Cet avocat, qui n’était certes plus tout jeune, était toujours passionné par son métier au point qu’il publiait comme moi de nombreux articles sur son blog et sur son site internet, mettant ainsi gratuitement à la disposition du public de nombreuses informations juridiques. Il était toujours très heureux de rendre service à ses jeunes et moins jeunes confrères, de façon toujours désintéressée et ceux-ci le lui rendaient bien par leur sollicitude. Il passait beaucoup de temps à former ses jeunes collaboratrices, juristes et stagiaires élèves avocats et il collaborait aussi modestement à la formation initiale de ses futurs confrères de l’EFB PARIS. La vie s’écoulait paisiblement dans son modeste cabinet de banlieue parisienne et tout d’un coup, le 4 mars 2015 à 10 heures, il s’est écroulé dans son cabinet et après avoir tenté en vain de se relever, il est resté là inerte, jusqu’à ce que le SAMU ne vienne le chercher et le conduise aux urgences de l’hôpital local. Ses collaboratrices traumatisées pleuraient ainsi que son petit fils de 8 ans qui avait assisté à cette scène tragique. Après quelques temps en réanimation et une longue hospitalisation, notre homme au demeurant robuste s’est peu à peu rétabli, mais le diagnostic reste implacable : « le patient est atteint d’une insuffisance rénale terminale nécessitant trois dialyses de 4 heures par semaine et reste dans l’attente de la greffe d’un rein ». Cet avocat de banlieue parisienne qui était très courtisé du temps où il était en pleine santé, n’a reçu, outre la visite de sa famille proche et de son ancienne première collaboratrice, devenue au fil du temps une amie proche, aucune visite ni coup de fil, hormis peut-être celle d’une ancienne stagiaire, qu’il avait d’ailleurs embauché par la suite, mais qui était venu le voir sur son lit d’hôpital plus par intérêt ou par curiosité, que par véritable compassion. D’ailleurs, celle-ci toujours plus préoccupée par ses intérêts personnels que par l’état de santé de son ancien mentor, n’a plus donné signe de vie depuis. Notre homme, très expérimenté, déjà fixé sur la valeur de l’espèce humaine, pensait qu’il avait passé le plus gros de son épreuve au plan médical. Mais celui-ci n’était pas au bout de ses surprises sur les comportements de ses concitoyens. Il savait déjà que la maladie faisait fuir les « amis », il ne savait pourtant pas pourquoi, du fait qu’il n’était pas contagieux ses anciens amis l’avaient quittés. Mais le pire était pourtant à venir car outre la désertion de ses soit disant amis, de ses ex collaboratrices et stagiaires, figurez-vous que ses clients, qui eux au moins lui sont restés fidèles, ont arrêté de lui payer les honoraires dus pourtant prévus dans la convention d’honoraires qu’ils avaient signées. Notre sexagénaire se mit à faire de multiples relances, en lettre simple, en recommandé avec accusé de réception, par courriel, par appels téléphoniques, rien n’y fit. Etrange corrélation que la maladie et l’insolvabilité soudaine des clients, mais peut-être ceux-ci pensaient-ils que notre lascar allait mourir et que sa succession ne leur réclamerait jamais les sommes dues.

Alors l’avocat convalescent tentât de faire taxer tous ces mauvais payeurs, mais pas plus de succès et en plus certains pour échapper à l’injonction ordinale, soit n’allait pas récupérer les courriers du bâtonnier, pourtant envoyés en lettre recommandé avec accusé de réception, soit oubliant les courriels de remerciements et de félicitations adressée à notre homme lorsqu’il était au « fait de sa gloire », contestaient maintenant la qualité du travail fourni alors qu’il leur avait fait gagner leur procès.

Notre vieil avocat, qui pourtant en avait vu d’autres, était paradoxalement plus affecté par cette ingratitude d’une partie de sa clientèle, que par sa grave maladie.

Il était bien triste dans son pavillon de banlieue en pierres meulières, lui ce modeste avocat parti de rien, exerçant désormais tout seul abandonné sans préavis par ses deux dernières collaboratrices, et il parait que certains soir, certains anges l’ont vu pleurer. 

Certes, il est désormais toujours triste depuis qu’il a perdu son père ce maudit 10 avril 2012, ce père qu’il aimait temps, alors qu’il n’a pas eu assez l’occasion de le lui dire. 

Son père aurait tant voulu l’entendre plaider à Toulon…

Son père était très fier de lui, car fils et petit fils d’ouvriers et de paysans, il était sa réussite.

Depuis ce 10 avril 2012, il n’a plus jamais été heureux.

Il se rappellera toujours de ses derniers mots « Je me fais du souci pour ta mère…qu’est-ce qu’elle va devenir ? » et puis il est parti dans les étoiles et repose aujourd’hui en paix dans un joli cimetière dans le sud de la France, près de Toulon. 

Alors, tous les soirs avant de s’endormir il dit la phrase suivante : « Je t’aime Papa et tu me manques beaucoup tu sais » et puis il s’endort espérant rêver encore de lui. 

Le pire avec le chagrin, c’est qu’on ne peut en parler à personne, car on ne  peut pas vous entendre.

Et puis, c’est vrai, les seules choses importantes sont la vie et la santé, ne t’inquiète pas ce n’est que de l’argent lui disaient ses proches pour le rassurer, le voyant se détruire et se consumer de jour en jour. 

Vous voyez, notre avocat est un être sensible, à fleur de peau, et sa sensibilité va le conduire à rechercher la corde sensible de ses clients en rédigeant un courriel « erga-omnes » destiné à ses nombreux clients qui ne l’ont pas encore payé et à sa banquière qui lui a supprimé son découvert autorisé et qui l’a mis en interdiction bancaire. 

Il faut que vous sachiez, si vous ne le savait pas déjà, que le modeste avocat de banlieue parisienne malade, limité dans son exercice est très vulnérable, et que tous les créanciers institutionnels URSSAF, impôts, banques, etc. se jettent sur lui pour le saigner à blanc et pour l’achever définitivement.

Alors, face à ce déchaînement sauvage et aveugle qu’il ne peut arrêter, il a adressé une lettre à ses mauvais payeurs et à son banquier dont vous lirez ci-dessous la teneur. 

« Mesdames, Messieurs, chers clients, 

N’ayant toujours pas reçu de règlement d’honoraires à ce jour de votre part, je me permets de revenir vers vous car ma situation financière est aujourd’hui critique. 

En effet, des impayés de charges URSSAF pendant ma longue  hospitalisation (je suis atteint d’une insuffisance rénale terminale nécessitant trois dialyses de 4 heures par semaine et dans l’attente d’une greffe d’un rein) et une défiance de ma banque LCL (suppression du découvert autorisé et rejet d’un chèque de 180 euros) qui m’a conduit à une interdiction bancaire (alors que je suis clients depuis de nombreuses années et que je me suis toujours acquitté d’un emprunt immobilier souscrit sur 15 ans, (à cette époque – juin 1999, Mme X m’avait mis en place sans difficulté le découvert nécessaire au remboursement de mon prêt LCL de 1500 euros par mois, charité bien ordonnée commence par soi-même), ont donné une bonne occasion à l’URSSAF de Montreuil à m’assigner en liquidation judiciaire devant le TGI de ………. le …………….(excellent pour mon image de marque) pour non paiement de charges sociales patronales, charges qui je le rappelle représentent environ 60 % du salaire brut d’une collaboratrice juriste qui gagne 2800 brut par mois. 

Heureusement, le soutien sans faille de mon Bâtonnier Me Y et de la future vice Bâtonnière, mon excellente amie et ancienne collaboratrice, Me B , m’ont permis d’obtenir un report d’audience au lundi 12 octobre 2015. 

Malheureusement, aujourd’hui je constate que les clients et les collectivités publiques clientes ne paient plus du tout les honoraires dus (ou avec des délais exorbitants) bien que le travail ait été réalisé et parfois bien que le procès gagné leur ait rapporté beaucoup d’argent (jusqu’à 335 000 euros par exemple). 

Mais il est vrai que j’appartiens à une catégorie socioprofessionnelle intermédiaire qui gagne trop pour obtenir des aides et pas assez pour équilibrer les comptes de son cabinet, sachant que j’ai globalement environ 70 % de charges au sens comptable du terme. 

L’administration fiscale m’a un jour reproché de ne pas faire taxer les honoraires impayés par le Bâtonnier comme le permet la loi. Je n’ai pas mis en place ces procédures d’exécution forcée car je ne veux pas accabler plus mes clients qu’ils ne le sont déjà par leur adversaire, étant là uniquement pour les défendre et non pour leur poser de nouveaux problèmes ou pour les assigner. 

J’ai ainsi du me séparer de toutes mes collaboratrices et stagiaires en novembre 2014 et avril 2015 et je travaille désormais tout seul au rythme de mes 12 heures de dialyse hebdomadaire au ……………………. dont je profite pour saluer ici le dévouement désintéressé de tous les médecins, infirmiers et aides soignants du service néphrologie – hémodialyse. 

Ils me soignent et pendant ce temps là mes clients mauvais payeurs et le LCL me détruisent. 

L’assurance maladie RAM ne m’ayant toujours pas pris en charge à 100 % ALD, je dois payer les factures que le comptable de l’hôpital ne cesse pas de m’envoyer au mépris des dispositions du code de la sécurité sociale qu’il n’a certainement jamais lues. 

L’assurance de prévoyance avocat, que j’ai saisi le 13 mars 2015 par l’intermédiaire de Monsieur le Bâtonnier du Barreau Z a « perdu » ou égaré mon dossier et ne me donne aucune nouvelle suite à une nouvelle saisine en juin 2015 après quatre mois. 

Je suis donc aujourd’hui sans ressources dans une situation très précaire et je ne peux même plus acheter les médicaments nécessaires à ma survie. 

Aujourd’hui, je suis gravement malade, le LCL me lâche, choisissant ce moment douloureux de ma vie pour me supprimer toute facilité de caisse, après avoir eu l’audace de me demander le 20 mai 2015, ma déclaration fiscale 2035, me plongeant ainsi en grande difficulté, au point que je ne vais pas pouvoir renouveler mon traitement dans quelques jours, le LCL m’ayant interdit de chéquier. 

Il est vrai que je n’attends rien des banques en général et du LCL en particuliers, elles ne sont jamais là quand leurs intérêts ne les y conduisent pas et n’ont pas une vocation humanitaire. 

Mais par contre, je trouve anormal et cruel, que des clients que j’ai accompagnés, y mettant tout mon cœur, toutes mes connaissances et toute mon énergie, qui ont signé une convention d’honoraires approuvant ainsi le montant des honoraires dus, se comportent de la sorte.  

Votre attitude n’est vraiment pas très glorieuse, ne pensez-vous pas ? 

Avez-vous au moins des remords par rapport à un avocat de banlieue parisienne qui n’aurait jamais du commencer à travailler avant d’être payé et qui vous pourtant l’a fait sous vos suppliques, vous accordant ainsi toute sa confiance ? 

Aussi, j’apprécierais vraiment un règlement rapide des sommes qui me restent dues. 

J’espère que je ne serai pas obligé de transmettre ce courriel à M. le Président de la République ainsi qu’aux plus hautes autorités française. 

Avec mes plus vifs remerciements, je vous souhaitent tout de même d’excellentes vacances reposantes et réconfortantes.

 Bien cordialement

 Signé : l’avocat de banlieue D »

L’avocat de banlieue m’a dit confidentiellement qu’il n’avait pas rédigé cette supplique pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour pouvoir manger et se soigner tout simplement. 

Oui car il savait bien le banlieusard qu’on ne pleure jamais sur la modeste condition d’un avocat de banlieue parisienne, et encore moins sur celle d’un avocat qui n’aurait pas dû tomber malade.

Surtout ne le répétez pas !

PS : le récit de ce conte pourrait choquer les enfants de moins de 18 ans encore pleins d’illusions sur la nature humaine.

Signé : un autre avocat de banlieue parisienne

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