Je me souviens surtout de mes dossiers devant une juridiction administrative appelés à l’audience au petit matin blême, dès potron-minet. (Pour moi 09 heures)
Je vous avoue que je suis plutôt de l’apprès midi.
La campagne sous le brouillard semble magnifique et c’est peut-être le seul moment de bonheur dans cette journée d’avocat qui s’annonce très morose. (Certains tribunaux administratif sont à la campagne).
Mais morose pourquoi ?
A cause surtout du sens des conclusions du rapporteur public qui a les mots pour gâcher ma journée.
Sens des conclusions du rapporteur public
Date de l’audience : 12/11/2024 à 09 : 00
Sens synthétique des conclusions : Rejet au fond
Sens des conclusions et moyens ou causes retenues :
Date et heure de la mise en ligne : 10/11/2024 à 14 : 00
Ces conclusions n’ont d’autre mérite que la précision des horaires de mise en ligne …
Pour le fond, je devrai m’en contenter.
Tant pis, je continue à y croire et ma femme me dit qu’elle a eu une intuition favorable la nuit dernière.
Ah, les femmes et leur 6ème sens !
J’arrive enfin au tribunal après une heure de bouchon sur l’autoroute A6 et je ne trouve pas de place pour me garer.
Je tourne en rond une bonne dizaine de minute avec ma Dacia Sandero dans l’espoir qu’une maman ou un papa abandonne enfin sa progéniture dans la cour de l’école voisine.
Vingt minutes sont passées et je trouve enfin une superbe place de stationnement libre.
Je me gare.
Un policier qui doit bien faire un quintal et demi et presque 2 mètres me dit d’une voie douce : « ne restez pas là c’est interdit ».
Je repars et au bout de 45 minutes, après avoir déversé dans la nature des tonnes de carbone, j’ai enfin trouvé une place pour stationner avec la bénédiction du pandore.
Je ferme ma voiture ….
Zut, j’ai oublié ma robe dans la voiture.
Je retourne la chercher.
J’arrive enfin à l’entrée du tribunal avec une énorme envie de faire pipi mais je suis en retard et l’audience a déjà commencé.
Heureusement que je suis gentiment « accueilli » par un agent de sécurité d’une société privée (du même genre que ceux rencontrés dans les grandes surfaces lorsque je fais mes courses en fin de semaine) qui me demandera sur un ton courtois mais néanmoins ferme , peut-être un tantinet condescendant, de présenter ma carte professionnelle bleue.
Je m’exécute spontanément sans rechigner.
Il me demande ce que je viens faire.
Je n’ai pas osé lui dire que je venais faire un tennis ou cueillir des champignons…
Je lui présente ensuite l’avis d’audience, le vigile consciencieux et suspicieux m’indique précisément le chemin de la salle d’audience ou sera évoqué mon dossier, que je connais pourtant depuis 30 ans et me fait quelques recommandations d’usage. (Ne pas utiliser mon téléphone portable par exemple, ne pas faire de bruit, ne pas manger, ne pas rire, ne pas manifester…).
Il m’appelle Monsieur malgré mon titre d’avocat chèrement acquis il y a des décennies et ma robe d’avocat élimée négligemment posée sur mon avant-bras viril.
Parfois, c’est une fonctionnaire de la juridiction affecté à l’accueil qui remplit ce rôle ingrat mais néanmoins indispensable, mais avec à peu près la même attitude et la même distance.
L’ancienneté de l’avocat ne lui donnant aucun privilège, il n’est pas rare qu’un avocat chevronné en contentieux administratif, blanchi sous le harnais, se voit alors prodiguer quelques conseils juridiques de base comme il en est donné à un justiciable néophyte.
Après avoir revêtu ma robe d’audience au milieu de justiciables tendus attendant leur tour (tous les tribunaux n’ayant pas de locaux réservés aux avocats), peu habitué à cet effeuillage, parfois hilares, je me présente au « greffier d’audience » pour me signaler.
J’ai pris la précaution afin de pas déclencher l’ire du fonctionnaire, de noter le « numéro RG de mon affaire » et son « rang » sur le « rôle d’audience » affiché à l’entrée de la salle d’audience.
Damned, je suis 15 ème et je vais devoir me farcir 14 affaires …
En effet, tout le monde est convoqué à la même heure (Pour moi 9 heures).
Certaines juridictions administratives, au summum de la modernité, mettent en ligne les rôles d’audience, mais c’est assez rare.
Dans certaines juridictions administratives, le greffier d’audience vous fera remplir une fiche de présence dans laquelle il vous faudra rappeler vos coordonnées, indiquer si vous substituez un confrère, préciser si vous intervenez au titre de l’aide juridictionnelle, indiquer les noms prénoms de votre client, dire s’il est présent à l’audience….
Il vous appartiendra ensuite de lui remettre le document rempli, sur la pointe des pieds afin de ne pas faire craquer les lames de pin du vieux plancher du tribunal (je pense particulièrement au Tribunal administration de MELUN où j’apprécie beaucoup d’aller), ce document précieux au greffier d’audience en veillant à ne pas perturber le rapporteur public dans la litanie de la lecture de ses conclusions ni le bon déroulé des débats de l’affaire en cours.
Je vais m’asseoir sagement dans la salle d’audience, au milieu de mes éminents confrères, à partir du deuxième rang, le premier étant réservé aux dossiers en cours d’examen et je dois rester très silencieux même si j’ y rencontre des confrères que je n’ai plus vu depuis 10 ans et que j’ai beaucoup de choses à leur dire.
Vous vous assiérez aux « bancs de droite » en regardant le tribunal si vous êtes en « demande » (généralement un particulier) (à gauche du tribunal) et aux « bancs de gauche » en regardant le tribunal si vous êtes en « défense ». (généralement l’administration) (à droite face au tribunal).
Je ricane car des confères se sont trompés.
Je me dis qu’il doit s’agir de pénalistes ou de privatistes.
L’ordre de passage ne tiendra plus compte de votre statut (par exemple avocat aux conseils), de votre ancienneté et de votre éloignement géographique, de votre état de santé, les affaires étant appelées généralement en fonction de leur rang sur le rôle d’audience.
Mais il peut arriver que le tribunal applique la règle du premier arrivé, premier servi.
En général, il est d’usage que les avocats aux conseils soient prioritaires.
Les justiciables accompagnés d’un avocat passent avant les justiciables sans avocat.
Personnellement, je cède mon tour aux femmes enceintes ainsi qu’aux confrères plus anciens que moi. (Malheureusement, il y en a de moins en moins).
Une sonnerie au son très désagréable actionnée par le greffier d’audience retenti, suivi de son annonce à voix haute « le tribunal ».
On nous prévient ainsi de l’entrée imminente dans la salle d’audience des membres de la juridiction.
Prochaine chronique : le déroulé de l’audience