NON : dans un arrêt en date du 21 mars 2025, le Conseil d’Etat considère que la seule circonstance que l’autorité administrative n’a pas mis en œuvre tout ou partie des propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions émises par le médecin de prévention ne constitue pas pour l’agent concerné, en principe, un motif raisonnable de penser que l’exercice de ses fonctions présente pour lui un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé qui justifierait son retrait.
Au cas d’espèce, M. A…, reconnu bénéficiaire de l’obligation d’emploi, a été recruté par contrat du 19 septembre 2013 en qualité de maître contractuel de l’enseignement privé à titre provisoire, en application des dispositions du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, afin d’exercer les fonctions d’enseignant en mathématiques pour les classes du second degré.
Il a exercé durant l’année scolaire 2013-2014 au collège-lycée du Petit-Val à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne).
Par un avenant du 22 août 2014, son contrat a été renouvelé pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2015 et il été affecté au lycée privé Teilhard de Chardin à Saint-Maur-des-Fossés, dans le même département.
M. A… a cependant été placé en arrêt maladie du 1er septembre 2014 au 15 septembre 2014, et à compter du 16 septembre 2014, il a exercé son droit de retrait en faisant valoir que le poste qui lui avait été confié ne répondait pas aux exigences d’aménagement fixées par la médecine de prévention.
A la suite d’une mise en demeure du 4 juin 2015, M. A… a repris ses fonctions le 18 juin 2015.
Par un avenant du 28 août 2015, il a été à nouveau engagé pour servir dans le même lycée pour l’année scolaire 2015-2016.
Toutefois, par une lettre du 24 septembre 2015, M. A… a présenté sa démission, avec prise d’effet au 1er octobre 2015, ce dont l’administration a pris acte.
Par un jugement n° 1802320 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a fait droit aux demandes d’indemnisation de M. A… à raison de frais exposés en 2013-2014 et des rémunérations non perçues pendant les périodes du 1er au 15 septembre 2014 et du 18 juin 2015 au 30 septembre 2015, mais a rejeté ses conclusions concernant, d’une part, l’indemnisation due au titre de la période du 16 septembre 2014 au 17 juin 2015, durant laquelle il a exercé son droit de retrait, et, d’autre part, le versement d’une indemnité de 31 200 euros représentative des allocations d’aide au retour à l’emploi qu’il estimait lui être dues après sa démission.
Par un jugement n° 1804173 du même jour, le même tribunal a rejeté la demande de M. A… tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle l’administration a refusé de lui verser ces allocations d’aide au retour à l’emploi.
M. A… se pourvoit en cassation contre l’arrêt nos 21PA04276, 21PA04277 du 28 octobre 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté ses appels formés contre ces deux jugements, en tant d’une part, qu’ils lui refusent l’indemnisation des pertes de rémunération pendant la période du 16 septembre 2014 au 17 juin 2015 durant laquelle il a exercé son droit de retrait, d’autre part, qu’ils rejettent sa demande d’annulation du refus de lui verser des allocations d’aide au retour à l’emploi et de l’indemniser à ce titre.
Lorsqu’un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, il lui appartient, avant d’exercer son droit de retrait, d’alerter l’autorité administrative.
Lorsqu’elle estime que l’agent a exercé son droit de retrait sans motif raisonnable, l’autorité administrative peut, sous le contrôle du juge, procéder à une retenue sur salaire ou prendre une sanction à son encontre.
Dans le cas inverse, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour que la situation de travail ne laisse persister aucun danger grave et imminent pour la vie ou la santé de l’agent.
Il appartient alors à l’agent de prendre toutes les dispositions nécessaires pour s’informer de l’évolution de la situation et de reprendre l’exécution des tâches demandées dès que la situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé a cessé.
La seule circonstance que l’autorité administrative n’a pas mis en œuvre tout ou partie des propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions émises par le médecin de prévention ne constitue pas pour l’agent concerné, en principe, un motif raisonnable de penser que l’exercice de ses fonctions présente pour lui un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé qui justifierait son retrait.
SOURCE : Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 21/03/2025, 470052
JURISPRUDENCE :
En précisant, CE, 2 juin 2010, ministre de l’Éducation nationale c/ Mlle Fuentes, n° 320935, p. 187 : « Les dispositions de l’article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, relatives au droit de retrait des agents de la fonction publique en cas de danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ne subordonnent pas la reprise de son service par un agent ayant exercé son droit de retrait à une information préalablement délivrée par l’administration sur les mesures prises pour faire cesser la situation ayant motivé l’exercice de ce droit. Si ces dispositions prévoient que l’autorité administrative ne peut demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, elles n’impliquent pas que l’administration doive inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu. »
CE, 18 juin 2014, ministre de l’Éducation nationale c/ Mme Casa Nova Zatar et autres, n° 369531, T. pp. 496-715 : « Les décisions par lesquelles l’autorité administrative prend une sanction ou une retenue sur salaire à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils estimaient, à tort, qu’elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, sont au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit et doivent être motivées en vertu des dispositions de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979. »