OUI : avant le 21 décembre 2018, il était d’usage de présenter sa requête en soumettant d’abord au juge l’examen de la légalité externe (forme) et ensuite de la légalité interne fond.
Dans ce système, par le jeu de l’« économie des moyens », le juge qui trouvait une illégalité externe s’arrêtait à ce stade et n’examinait pas les moyens d’illégalité interne, même s’ils étaient pertinents.
La décision était donc annulée pour vice de forme avec toutes les conséquences que ce type d’annulation génère. (Une sorte de victoire à la Pyrrhus pour le requérant)
Il est inutile de rappeler que l’annulation d’un acte administratif pour illégalité externe (vice de forme) peut s’avérer frustrante pour le requérant (possibilité de régularisation et absence d’indemnisation de l’administration), surtout en cas d’existence de moyen sérieux d’illégalité interne que le juge s’était donc abstenu d’examiner.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 21 décembre 2018, n° 409678, Société Edenest venu inverser l’ordre d’examen des moyens de légalité par le juge lorsque le requérant a choisi de hiérarchiser ses moyens en soulevant à titre principal des moyens de légalité interne et à titre subsidiaire des moyens de légalité externe.
Le juge administratif ne sera plus obligé d’examiner prioritairement la légalité externe de la décision querellée, puis par application de l’« économie des moyens » s’arrêter là en cas de constations d’un vice de forme, mais il devra examiner prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
Ce n’est que dans le cas où il ne trouvera fondé aucun des moyens de légalité interne soulevés à titre principal par le requérant, qu’il pourra retenir un moyen de légalité externe soulevé par le requérant à titre subsidiaire.
Par une nouvelle application du principe de l’ « économie des moyens », il ne sera tenu de se prononcer explicitement que sur ce moyen de légalité externe mais ce qui est nouveau, seulement après avoir examiné les moyens de légalité interne.
Le juge administratif doit donc examiner prioritairement les moyens de légalité qui se rattachent à la « cause juridique » (légalité interne ou externe) correspondant à la demande principale du requérant.
En quelques sorte, en hiérarchisant vos moyens, vous obligez le juge à examiner l’ensemble des moyens de légalité de la requête et ce n’est que s’il ne trouve fondé aucun des moyens de légalité interne que vous avez soulevés à titre principal, qu’il pourra retenir ou pas un moyen de légalité externe que vous avez soulevé à titre subsidiaire.
I – Le juge de l’excès de pouvoir doit examiner prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
Dans son arrêt en date du 21 décembre 2018, Société Eden, n° 409678, le Conseil d’Etat considère que : « lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l’expiration du délai de recours, les prétentions qu’il soumet au juge de l’excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d’annulation, il incombe au juge de l’excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c’est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
II – Dans le cas où le juge ne trouve fondé aucun des moyens de légalité interne soulevés à titre principal mais qu’il retient un moyen de légalité externe assortissant sa demande subsidiaire, il n’est tenu de se prononcer explicitement que sur ce moyen.
Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais qu’il retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l’excès de pouvoir n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
III – Si le jugement est susceptible d’appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande principale.
Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
SOURCE :Conseil d’État, Section, 21/12/2018, 409678, Publié au recueil Lebon (Société Eden)
JURISPRUDENCE :
Conseil d’État, , 05/04/2019, 420608, Publié au recueil Lebon
Conseil d’État, , 05/04/2019, 413712, Publié au recueil Lebon
Conseil d’Etat, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, requête numéro 9772, rec. p. 88 (Source site internet « Revue Général du Droit »).