La mise à l’écart d’un chef de service isolé dans des tâches subalternes est-elle constitutive de harcèlement moral ?

OUI : dans un arrêt en date du 29 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles a jugé que l’ensemble des faits, antérieurs et postérieurs à la fusion de l’OPHLM de Meudon et de l’OPHLM d’Issy-les-Moulineaux, caractérise une dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de Mme B… de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination et d’un harcèlement moral provenant non seulement d’agissements de la direction de l’OPHLM de Meudon mais aussi, par la suite, du comportement de la direction de l’OPH Seine-Ouest Habitat à son égard. Dans les circonstances de l’espèce, sans qu’il soit besoin d’ordonner avant dire droit une expertise, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature, y compris du préjudice moral, subis par Mme B…, en lui allouant une indemnité de 10 000 euros.

Mme B…, attachée territoriale, chef du service de l’action sociale et du contentieux de l’OPHLM de Meudon, chargée à ce titre des impayés locatifs, s’est vu confier en 2002 la direction d’un service de documentation générale et d’études juridiques spécialement créé dans le cadre d’une réorganisation des services de l’office.

N’ayant plus aucun agent sous sa responsabilité, ses indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires ont été réduites de moitié, ce qu’elle a contesté dans un recours gracieux du 13 décembre 2002.

Elle a en outre cessé de bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire de 25 points majorés à compter du 1er avril 2003.

Mme B…, dont le bureau isolé se trouvait dans le sous-sol de l’office et qui ne disposait pas de toilettes à ce niveau, a assuré elle-même des tâches de rangements et de nettoyage n’incombant pas normalement à un cadre territorial, des archives ayant même été entreposées dans le plus grand désordre dans son bureau en son absence.

Elle n’a disposé d’un ordinateur qu’en 2005 et d’un accès à la messagerie professionnelle qu’en 2009.

Elle a sollicité sans succès en 2002 et 2003 une formation de longue durée aux techniques documentaires et archivistiques lui permettant d’exercer ses fonctions et n’a finalement obtenu satisfaction sur ce point qu’en 2006.

Par ailleurs, par un courrier du 11 septembre 2003, le directeur de l’office a refusé de lui accorder des autorisations d’absence pour l’exercice de ses fonctions syndicales au motif qu’il n’aurait pas été informé de la création de la section syndicale dont elle se réclamait, cette affirmation étant cependant contredite par un courrier dudit syndicat du 4 novembre 2003.

Dans un courrier du 3 janvier 2008, le directeur de l’office a informé Mme B… de son refus de lui accorder des décharges syndicales pour lui permettre d’atteindre ses objectifs de responsable des archives.

En outre, sa fiche annuelle de notation en 2005 mentionne qu’elle est détachée auprès d’une organisation syndicale trois jours par semaine, que son positionnement est difficile au sein de l’office et qu’une mutation permettrait à l’intéressée de prendre un nouvel élan professionnel et de faire un meilleur usage de ses compétences juridiques.

L’intéressée a fait l’objet d’une exclusion temporaire de deux jours pour avoir fumé dans les parkings de l’office par un arrêté du président du 20 juillet 2007, le directeur ayant alors sollicité une sanction sévère auprès de la directrice des ressources humaines.

Elle a également fait l’objet d’une exclusion de quinze jours, dont onze avec sursis pour les mêmes faits par un arrêté du directeur général du 16 avril 2010, la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire ayant, pour sa part, proposé une exclusion temporaire de fonctions de quatre jours seulement.

Ces faits ayant été constatés le 11 décembre 2009, Mme B… a été transportée ce même jour en fin d’après-midi par les services de secours dans un centre hospitalier à la suite d’un appel pour tentative de suicide.

Enfin, l’état de santé de Mme B… s’est progressivement dégradé, celle-ci ayant été placée en congés maladie à de nombreuses reprises depuis 2007 et ayant été victime de plusieurs accidents en service en 2009 et 2010.

L’ensemble de ces faits, antérieurs et postérieurs à la fusion de l’OPHLM de Meudon et de l’OPHLM d’Issy-les-Moulineaux, caractérise une dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de Mme B… de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination et d’un harcèlement moral provenant non seulement d’agissements de la direction de l’OPHLM de Meudon mais aussi, par la suite, du comportement de la direction de l’OPH Seine-Ouest Habitat à son égard.

Dans les circonstances de l’espèce, sans qu’il soit besoin d’ordonner avant dire droit une expertise, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature, y compris du préjudice moral, subis par Mme B…, en lui allouant une indemnité de 10 000 euros.

SOURCE : CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 29/03/2018, 15VE01731, Inédit au recueil Lebon

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