Le placement d’un fonctionnaire en congé de longue maladie avec effet rétroactif est-il toujours légal ?

NON : si le fonctionnaire fait l’objet d’une mesure de suspension dans l’intérêt du service car bien qu’éloigné provisoirement du service, il demeure placé dans une position régulière. En effet, la rétroactivité de la mesure, en l’espèce un congé de longue maladie, n’est légale que si elle est destinée à placer  le fonctionnaire dans une position régulière par rapport à son statut afin d’assurer la continuité de sa carrière.

En l’espèce, M. C…D…était professeur des universités-praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire de Lyon-Sud, au sein duquel il exerçait également une activité de praticien libéral.

En raison de troubles de l’équilibre provoqués par son état de santé, le directeur général des Hospices civils de Lyon l’a, par décision du 16 octobre 2009, suspendu, à titre provisoire et conservatoire, de ses activités cliniques et thérapeutiques.

Par un arrêté du 6 mai 2010, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de la santé et des sports l’ont placé en congé de longue maladie à compter du 16 octobre 2009 pour deux périodes consécutives de six mois, avec maintien intégral de la part universitaire de sa rémunération.

La direction des affaires médicales des Hospices civils de Lyon l’a informé, par des décisions des 22 et 27 juillet 2010, de la cessation du versement de la part hospitalière de son traitement à compter du 8 mars 2010.

Par un arrêté du 27 octobre 2010, les ministres ont maintenu M. D…en congé de longue maladie du 16 octobre 2010 au 3 mars 2011, date de son soixante-cinquième anniversaire, avec maintien de la moitié de la part universitaire de sa rémunération.

Par un arrêté du 9 février 2011, ils l’ont admis à faire valoir ses droits à pension de retraite, pour limite d’âge, à compter du 4 mars 2011 et l’ont radié des cadres à la même date.

M. D… a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler les arrêtés des 6 mai et 27 octobre 2010 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de la santé et des sports ainsi que les décisions des Hospices civils de Lyon des 22 et 27 juillet 2010.

Après son décès, ses filles, Mmes E…et B…D…ont repris l’instance en leur qualité d’ayants-droits de leur père.

Elles se pourvoient en cassation contre le jugement du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes dont il était saisi.

1 – En ce qui concerne le caractère rétroactif du placement en congé de longue maladie de M.D… :

Aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, applicable aux professeurs des universités : «  Le fonctionnaire en activité a droit : (soumis, dans la mesure où il n’y est pas dérogé par le présent décret aux dispositions statutaires applicables au personnel titulaire des corps enseignants des universités et aux praticiens hospitaliers) 3° A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu’elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L’intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence ».

Un agent public qui fait l’objet d’une mesure de suspension dans l’intérêt du service se trouve éloigné du service mais demeure placé dans une position régulière.

Par suite, en se fondant sur ce que l’administration était tenue de placer l’intéressé dans une position régulière pour juger que l’arrêté du 6 mai 2010 avait pu légalement décider que le placement en congé de longue maladie prendrait effet au 16 octobre 2009, date d’effet de la mesure de suspension de M. D… prise par le directeur général des Hospices civils de Lyon et date à partir de laquelle le comité médical du Rhône l’avait estimé inapte à l’exercice de ses fonctions hospitalières, alors que l’effet rétroactif ainsi conféré à l’arrêté du 6 mai 2010 réduisait d’autant le délai pendant lequel l’intéressé pouvait bénéficier du droit, ouvert par les dispositions précitées de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984, au maintien de l’intégralité de son traitement, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

Cette erreur entache son appréciation tant de la légalité de l’arrêté du 6 mai 2010 en tant qu’il fixe la date d’effet du placement en congé de longue maladie que de celle de l’arrêté du 27 octobre 2010 prolongeant ce placement, en tant qu’il réduit le droit à rémunération de l’intéressé à la moitié de la part universitaire de son traitement.

SOURCE : Conseil d’État, 5ème / 4ème SSR, 06/03/2015, 368186

2 – JURISPRUDENCE :

Sur la possibilité de suspendre un praticien hospitalo-universitaire de ses activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier indépendamment de l’engagement d’une procédure disciplinaire.

Conseil d’Etat, 4 / 6 SSR, du 15 décembre 2000, 194807 200887 202841, publié au recueil Lebon

« Dans des circonstances exceptionnelles, en cas d’urgence, le directeur d’un centre hospitalier, qui exerce, aux termes de l’article L. 714-12 du code de la santé publique, son autorité sur l’ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, pour assurer la continuité du service, décider, sous le contrôle du juge et à condition d’en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné, de suspendre un praticien hospitalo-universitaire de ses activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’article 25 du décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires qui ne prévoient la possibilité de suspendre les intéressés par une décision des ministres compétents que dans le seul cas où ils font l’objet d’une procédure disciplinaire. »

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