Un fonctionnaire poursuivi pénalement pour harcèlement et relaxé peut-il être quand même sanctionné ?

OUI :  si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative et au juge administratif d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative.

Aux termes de l’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : «  Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : / a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. / (…) / Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas. / (…) »

il résulte de ces dispositions que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu’ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l’occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu’ils sont le fait d’un supérieur hiérarchique ou d’une personne qu’elle pense susceptible d’avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l’encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d’une sanction disciplinaire ;

Selon l’article 6 quinquies de la même loi dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (…) / Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / (…) ».

Dans son arrêt en date du 26 septembre 2017, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative et au juge administratif d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative.

En l’espèce, par un arrêt du 14 janvier 2016, la cour d’appel de Riom a renvoyé M. G… des fins de la poursuite pour harcèlement sexuel envers Mme C… à Gannat entre le 6 août 2012 et le 18 avril 2014 aux motifs que la cour ne pouvait « déduire de ces témoignages divers et contradictoires qu’il a existé des propos ou des comportements à connotation sexuelle imposés et répétés, la relation même ayant existé entre M. G… et Mme C… ne pouvant être définie et l’emprise dont Mme C… a fait état réellement déterminée ».

Dans ces conditions, l’autorité de chose jugée de cet arrêt de relaxe, fondé sur des motifs tirés de ce que les faits reprochés à M. G… ne peuvent être regardés comme établis, ne saurait s’attacher à ces motifs.

Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment du courrier précis et circonstancié du 11 avril 2014 adressé par Mme C… à son chef d’établissement, qu’entre le printemps 2011 et début avril 2014, M. G…, de manière insistante et répétée, lui a fait des avances et a eu à son égard, en paroles et en actes, un comportement équivoque et pressant qui s’est notamment manifesté, à au moins deux reprises, par des gestes déplacés à connotation sexuelle et que cette attitude, qui a perduré malgré les refus répétés de Mme C…, a porté atteinte à sa dignité.

Ces faits sont corroborés par le témoignage, également précis et circonstancié, de M. H… B…, agent technique au lycée Gustave Eiffel de Gannat jusqu’en juillet 2013, établi par écrit le 18 avril 2014 à l’attention du président du conseil régional ; qu’il ressort d’un courrier du 15 mai 2014 adressé par Mme A…D…, agent polyvalent au même lycée, au président du conseil régional que, courant 2009 et pendant au moins un an, M. G… a fait des avances réitérées à Mme D… et lui a fait subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont altéré sa santé.

Dans ces conditions, les faits ainsi imputés à M. G… et subis par Mme C… doivent être regardés comme suffisamment établis et sont constitutifs de harcèlement sexuel au sens des dispositions précitées de l’article 6 ter de la de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée et de harcèlement moral au sens de celles de l’article 6 quinquies de la même loi.

Ils sont, par suite, de nature à justifier une sanction disciplinaire.

Il résulte de ce qui précède que M. G… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. SOURCE : CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 26/09/2017, 15LY03707, Inédit au recueil Lebon

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