A quelle condition les préjudices financier, de carrière, de retraite résultant de l’illégalité d’un refus de promotion pour discrimination peuvent-ils être indemnisés ?

EN BREF : l’illégalité d’une décision prise par l’administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu’elle entraîne un préjudice direct et certain. En matière de discrimination, le requérant doit donc absolument démontrer la perte de chance sérieuse d’être recrutée Dans un arrêt en date du 20 décembre 2019, le Conseil d’Etat a considéré que compte tenu de la gravité de la faute commise par le département à l’encontre du fonctionnaire tenant à la discrimination dont elle a fait l’objet en raison de ses activités syndicales lors de la première phase de sélection des candidatures aux postes de « responsable enfance adjoint » de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du département , il serait fait une juste appréciation du préjudice moral correspondant en fixant à la somme de 2 000 euros l’indemnité due à ce titre. Mais si l’administration a commis une faute lors de la première phase de sélection des candidatures, en méconnaissant le principe d’égal accès aux emplois publics (cf article 6 de la Décaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789), le lien de cause à effet entre cette faute et les préjudices financier, de carrière, de retraite allégués par la requérante tenant à la perte de chance sérieuse d’être recrutée en qualité de « responsable enfance adjoint » au sein de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du département, à l’issue de la seconde phase de sélection des candidatures, ne pouvaient être regardés comme établis et que par suite, ses conclusions tendant à ce qu’il lui soit allouée une indemnité en réparation de ces chefs de préjudice ne peuvent être accueillies.


Le jugement du tribunal administratif de Melun (PDF, 137 Ko) à l’encontre duquel Mme B… avait interjeté appel avait jugé considérait que compte tenu de la gravité de la faute commise par le département du Val-de-Marne à l’encontre de Mme B…, tenant à la discrimination dont elle a fait l’objet en raison de ses activités syndicales lors de la première phase de sélection des candidatures aux postes de « responsable enfance adjoint » de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du département , il serait fait une juste appréciation du préjudice moral correspondant en fixant à la somme de 2 000 euros l’indemnité due à ce titre. Mais les premiers juges ajoutait que si l’administration a commis une faute lors de la première phase de sélection des candidatures, en méconnaissant le principe d’égal accès aux emplois publics, le lien de cause à effet entre cette faute et les préjudices financier, de carrière, de retraite allégués par Mme B…, tenant à la perte de chance sérieuse d’être recrutée en qualité de « responsable enfance adjoint » au sein de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du département, à l’issue de la seconde phase de sélection des candidatures, ne pouvaient être regardés comme établis et que par suite, ses conclusions tendant à ce qu’il lui soit allouée une indemnité en réparation de ces chefs de préjudice ne peuvent être accueillies.

Mme B… a été employée au sein du département du Val-de-Marne comme éducatrice spécialisée puis assistante socio-éducative territoriale principale, du mois d’octobre 2000 au 1er avril 2017, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite et, d’autre part, qu’elle y a exercé des fonctions syndicales.

S’étant portée candidate, en 2010, à l’un des trois postes de « responsable enfance adjoint » ouverts au recrutement au sein de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du département, après avoir été sélectionnée lors du premier entretien oral et avoir passé l’épreuve écrite, Mme B… n’a pas été retenue à l’issue de l’entretien final.

La décision du 11 avril 2011 par laquelle le président du conseil général du Val-de-Marne a rejeté sa candidature a été annulée par un jugement du 10 octobre 2013 du tribunal administratif de Melun, devenu définitif, au motif que le jury qui, lors de la première phase de sélection orale des candidatures, l’avait interrogée sur la compatibilité de son engagement syndical avec le poste d’encadrement auquel elle postulait, avait ainsi méconnu le principe d’égal accès aux emplois publics.

Ayant recherché en vain auprès du département la réparation des préjudices financier, de carrière, de retraite et moral qu’elle estimait avoir subis du fait du rejet de sa candidature, Mme B… a obtenu par un jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Melun la réparation par cette collectivité du seul préjudice moral regardé comme étant en lien avec la faute commise lors du premier entretien de sélection.

Par un arrêt du 23 octobre 2018, contre lequel elle se pourvoit en cassation aux côtés du syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel que Mme B… avait formé contre ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande.

L’illégalité d’une décision prise par l’administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu’elle entraîne un préjudice direct et certain.

Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué qu’après avoir relevé que l’illégalité de la décision du président du conseil général du Val-de-Marne tenait aux conditions de déroulement du premier entretien de Mme B…, la cour a estimé que le jury n’avait pas été convaincu, lors de la seconde phase de sélection, par la capacité de l’intéressée à mobiliser une équipe sur un projet de direction et qu’il ne résultait pas de l’instruction qu’il avait à cette occasion tenu compte de l’engagement syndical de l’intéressée pour apprécier les mérites de sa candidature.

D’une part, la cour a ce faisant porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation.

D’autre part, en déduisant de cette appréciation que le lien de causalité entre la faute ainsi commise par l’administration et les préjudices financier, de carrière et de retraite allégués par l’intéressée ou la perte d’une chance sérieuse d’être nommée aux postes sur lesquels elle s’était portée candidate, ne pouvait pas être regardé comme établi, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, n’a pas méconnu l’autorité absolue de la chose jugée qui s’attache au jugement d’annulation du 10 octobre 2013 du tribunal administratif de Melun et ne s’est pas méprise sur la portée de ce jugement.

Enfin, la cour n’a pas, eu égard aux écritures d’appel, entaché son arrêt d’insuffisance de motivation en s’abstenant de prendre en compte la discrimination indirecte que Mme B… estime avoir subie tout au long de sa carrière en raison de son engagement syndical.

SOURCE : Conseil d’État, 7ème chambre, 20/12/2019, 426555, Inédit au recueil Lebon

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