Le 1/3 temps supplémentaire accordé à un candidat handicapé pour l’oral peut-il  être utilisé pour lui poser des questions « désordonnées et déstabilisantes » ?

NON : et le juge administratif doit rechercher  si les conditions dans lesquelles l’aménagement de l’épreuve orale avait été mis en œuvre par le jury notamment en ce qui concerne le temps laissé pour répondre aux questions posées, étaient adaptées aux moyens physiques du candidat et permettaient de compenser le handicap dont il était atteint.

Aux termes des dispositions du quatrième alinéa du I de l’article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, dans sa rédaction issue de l’article 32 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances : «  Des dérogations aux règles normales de déroulement des concours et des examens sont prévues, afin, notamment, d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves aux moyens physiques des candidats ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux au moment de leur inscription (…) ».

Il appartient au juge administratif de contrôler les conditions dans lesquelles ces dérogations, qui doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves compte tenu des précisions apportées par les candidats sur leurs besoins, ont été mises en œuvre par le jury lors du déroulement des épreuves.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a justifié, lors de son inscription à la session 2011 de l’examen professionnel pour l’accès au grade d’attaché principal d’administration, qu’il était atteint d’une forme rare de dégénérescence maculaire se manifestant par une hypersensibilité à la lumière, une baisse de l’acuité visuelle et la nécessité de faire des efforts pour la fixation entraînant une plus grande fatigabilité ainsi que des difficultés de mémorisation.

Il a demandé que l’épreuve orale unique soit aménagée pour tenir compte de son handicap.

En réponse à cette demande et afin de compenser le handicap dont il était atteint, M. B… a bénéficié d’un aménagement consistant en l’octroi d’un tiers de temps supplémentaire pour l’épreuve orale et d’un éclairage tamisé de la salle d’examen.

M. B… a soutenu devant la cour administrative d’appel que le jury avait mis à profit ce temps supplémentaire pour lui poser de multiples questions « désordonnées et déstabilisantes ».

La cour administrative d’appel a écarté cette argumentation au motif qu’un jury est souverain, dans le respect du texte d’organisation de l’examen, pour apprécier un candidat et qu’il n’appartient pas au juge administratif de contrôler ni le nombre, ni la teneur des questions qu’il pose, ni l’appréciation qu’il porte sur le candidat, sauf si les notes attribuées sont fondées sur des considérations autres que la seule valeur de ces prestations ou si l’interrogation du candidat porte sur une matière étrangère au programme.

En statuant ainsi, sans rechercher si les conditions dans lesquelles l’aménagement de l’épreuve orale avait été mis en œuvre par le jury notamment en ce qui concerne le temps laissé pour répondre aux questions posées, étaient adaptées aux moyens physiques de M. B… et permettaient de compenser le handicap dont il était atteint, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

Par suite, M. B… est fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

SOURCE : Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 24/11/2017, 399324

JURISPRUDENCE :

Conseil d’État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 18/11/2009, 318565, Publié au recueil Lebon

« Les aides humaines et techniques prévues par les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 27-1 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, qui disposent que « des dérogations aux règles normales de déroulement des concours et des examens sont prévues, afin, notamment, d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves aux moyens physiques des candidats ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux au moment de leur inscription », doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves, compte tenu des précisions apportées par les candidats sur les moyens dont ils ont besoin. Le juge administratif exerce un entier contrôle sur ce point. Candidat ayant demandé, au moment de son inscription aux épreuves écrites du concours interne des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale, de bénéficier du tiers temps supplémentaire et de l’assistance d’une tierce personne, et ayant précisé qu’il aurait besoin d’une personne qui procède à la lecture des documents pour l’épreuve de la note de synthèse. Lors de cette épreuve, la personne chargée d’aider le candidat à la lecture des documents s’est présenté comme devant l’aider à la rédaction. Si l’aide à la lecture a été finalement apportée au requérant, il n’est pas contesté qu’elle l’a été par une personne n’ayant pas les aptitudes requises pour procéder à la lecture à haute voix du dossier de l’épreuve de note de synthèse dans des conditions répondant aux exigences de ce concours. Dès lors, l’autorité administrative organisatrice du concours a apporté à l’intéressé une aide humaine non conforme aux exigences requises par les dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 et a ainsi entaché d’irrégularité les opérations du concours. »

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