Dans quel cas l’absence de réserve héréditaire du droit californien en cas de succession est-elle inapplicable ?

EN BREF : l’exception d’ordre public de l’absence de réserve héréditaire en cas de succession soumise à la loi californienne ne peut trouver à s’appliquer que s’il est démontré que l’application de la loi californienne ignorant la réserve héréditaire laisserait l’un ou l’autre des héritiers, tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin.

Une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.

Dans son arrêt en date du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a jugé que fait l’exacte application de ce principe l’arrêt de cour d’appel qui, après avoir constaté que la loi applicable à la succession est celle de l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique), laquelle ne connaît pas la réserve héréditaire, et relevé qu’il n’est pas soutenu que son application laisserait un héritier dans une situation de précarité économique ou de besoin et que la situation présente un lien de proximité étroit avec la Californie, en déduit qu’il n’y a pas lieu d’écarter cette loi au profit de la loi française.

En l’espèce, Maurice Y…, compositeur de musique, de nationalité française, s’est marié le 6 décembre 1984 avec Mme B…

En 1991, Maurice Y… et son épouse ont constitué, selon le droit californien, le Y… D…, dont ils étaient les deux uniques « trustors » et « trustees », et auquel ont été transférés tous les biens de Maurice Y…

En 1995, ils ont constitué une société civile immobilière (la SCI), à laquelle a été apporté le bien immobilier sis à Paris, acquis par celui-ci en 1981 ; qu’il est décédé le [...] à Los Angeles, Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique), laissant à sa survivance son épouse, deux enfants issus de précédentes unions, Jean-Michel et Stéphanie (les consorts Y…), et un fils adoptif, Kevin, en l’état d’un testament du 31 juillet 2008 léguant tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire du trust.

En 2010, Mme B… leur ayant contesté tout droit à la succession de leur père, les consorts Y… l’ont assignée ainsi que Kevin Y…, décédé en cours de procédure, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d’auteur, afin de voir juger les tribunaux français compétents à l’égard des héritiers réservataires français pour connaître de l’exercice du droit de prélèvement prévu à l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819.

Par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi dans une autre instance, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution.

SOURCE : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198, Publié au bulletin

JURISPRUDENCE :

Conseil Constitutionnel, 5 août 2011, décision n° 2011-159 QPC

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-13.151, Publié au bulletin

« Une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. Fait l’exacte application de ce principe l’arrêt qui, après avoir constaté que la loi applicable à la succession est celle de l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique), laquelle ne connaît pas la réserve héréditaire, et relevé qu’il n’est pas soutenu que son application laisserait un héritier dans une situation de précarité ou de besoin et que la situation présente un lien de proximité étroit avec la Californie, en déduit que cette loi, ayant permis au défunt de disposer de tous ses biens en faveur d’un trust bénéficiant à son épouse, mère de leurs deux enfants mineurs, sans en réserver une part à ses autres enfants, ne heurte pas l’ordre public international français »

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