Une période d’essai peut-elle être prévue lors du renouvellement du contrat pour exercer des fonctions similaires ou dans la continuité du précédent ?

NON: dans un arrêt en date du 11 avril 2018, la Cour administrative d’appel de Paris a rappelé qu’ aucune période d’essai ne peut être prévue lorsqu’un nouveau contrat est conclu ou renouvelé par une même autorité administrative avec un même agent pour exercer les mêmes fonctions que celles prévues par le précédent contrat, ou pour occuper le même emploi que celui précédemment occupé. En l’espèce, les fonctions confiées à partir d’octobre 2015 à Mme B… s’inscrivent dans la continuité de celles qu’elle avait exercées sous les mêmes autorités hiérarchiques dans le cadre de son précédent contrat. La Cour en a déduit qu’il suit de là que Mme B… se trouvait dans une situation où les dispositions susénoncées s’opposaient à ce qu’une période d’essai pût être prévue dans son contrat.

Aux termes de l’article 9 du décret du 17 janvier 1986 dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le contrat ou l’engagement peut comporter une période d’essai qui permet à l’administration d’évaluer les compétences de l’agent dans son travail et à ce dernier d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. / Toutefois, aucune période d’essai ne peut être prévue lorsqu’un nouveau contrat est conclu ou renouvelé par une même autorité administrative avec un même agent pour exercer les mêmes fonctions que celles prévues par le précédent contrat, ou pour occuper le même emploi que celui précédemment occupé. (…) - Le licenciement en cours ou au terme de la période d’essai ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. /-Aucune durée de préavis n’est requise lorsque la décision de mettre fin au contrat intervient en cours ou à l’expiration d’une période d’essai. /Le licenciement au cours d’une période d’essai doit être motivé. /-Le licenciement au cours ou à l’expiration d’une période d’essai ne donne pas lieu au versement de l’indemnité prévue au titre XII. »

En l’espèce, Mme B…, initialement rattachée au département des télévisions locales, a été intégrée à la nouvelle direction des médias télévisuels, qui sera celle de son futur poste, et y a fourni des analyses financières concernant des télévisions nationales et des modifications dans la composition du capital des sociétés audiovisuelles, analyses ayant trait à des dossiers sensibles tels que notamment le projet de cession de la chaîne n°23 ou l’OPA du groupe Vivendi sur Canal Plus.

L’intéressée a également participé à la rédaction de fiches d’instruction concernant les télévisions nationales.

Les fonctions confiées à partir d’octobre 2015 à Mme B… s’inscrivent dans la continuité de celles qu’elle avait exercées sous les mêmes autorités hiérarchiques dans le cadre de son précédent contrat.

Il suit de là que Mme B… se trouvait dans une situation où les dispositions susénoncées s’opposaient à ce qu’une période d’essai pût être prévue dans son contrat.

En conséquence, le licenciement litigieux ne peut, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif, être considéré comme intervenu à l’issue de la période d’essai.

Ce licenciement, décidé en cours de contrat et prenant effet avant le terme de celui-ci, était soumis aux formalités prévues notamment aux articles 45-2 et suivants du décret susvisé du 17 janvier 1986.

Aux termes de l’article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 : « L’agent contractuel peut être licencié pour un motif d’insuffisance professionnelle. L’agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l’intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l’intéressé d’en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l’administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. »

Aux termes de l’article 47 de ce décret : «  Le licenciement ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable. La convocation à l’entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation. /-L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. /-L’agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. /-Au cours de l’entretien préalable, l’administration indique à l’agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l’agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. » 

Il est constant que Mme B… n’a pas été convoquée dans les conditions exigées par les dispositions surappelées à un entretien préalable à son licenciement.

En effet, l’intéressée n’a été destinataire que d’un courriel se bornant à mentionner en objet « situation administrative », qui lui a été adressé dans la journée du 14 décembre 2015 et l’invitait à un entretien prévu le 18 décembre 2015 soit moins de cinq jours ouvrables plus tard.

Ce courriel ne l’informait ni de l’objet exact de l’entretien, ni de la possibilité de prendre connaissance de son dossier, ni encore de celle de se faire accompagner par la personne de son choix.

Ainsi, la décision litigieuse est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière ayant porté atteinte aux garanties que Mme B… tenait des dispositions rappelées ci-dessus.

L’auteur de la décision litigieuse, pour informer l’intéressée des motifs de son licenciement, se borne à indiquer : «  Lors de cet entretien [du 18 décembre 2015], vous avez été informée qu’au regard des difficultés que vous rencontriez pour répondre aux objectifs fixés par vos supérieurs hiérarchiques concernant l’évolution de vos méthodes de travail et de votre manière de servir, vous ne sembliez pas démontrer les qualités requises pour assumer les missions complexes et sensibles qui vous ont été confiées au sein du Conseil supérieur de 1′audiovisuel. »

Si le CSA, dans ses écritures produites en première instance et devant la Cour, relève que les travaux écrits de la requérante et le suivi des dossiers ne répondaient pas aux attentes, en termes de mesure et de pédagogie, qu’exigeaient les fonctions hautement stratégiques qu’elle exerçait, fait état des difficultés de positionnement de l’intéressée au sein de l’équipe dans laquelle elle travaillait ainsi que dans la mise en œuvre des objectifs qui lui étaient assignés, et lui reproche de ne pas avoir suffisamment sollicité l’aval de ses supérieurs hiérarchiques sur les analyses qu’elle conduisait et les conclusions de celles-ci, ces griefs ne sont pas assortis de précisions ni de documents permettant de les ternir pour fondés.

Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que Mme B… était employée par le CSA depuis près d’un an, à la suite de trois contrats successifs, que l’insuffisance professionnelle de l’intéressée aurait été décelée et aurait fait l’objet d’observations.

Si le CSA produit un courriel adressé à Mme B…par le directeur des médias le 3 décembre 2015, soit deux semaines avant la décision de licenciement, ce document ne saurait suffire à démontrer une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement.

La décision de licenciement doit donc être regardée comme entachée d’une erreur d’appréciation.

Il suit de là que Mme B… est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la décision du 23 décembre 2015 du président du CSA mettant fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016 était entachée d’illégalité fautive et à en obtenir l’annulation, ensemble celle de la décision du 8 mars 2016 rejetant son recours gracieux.

SOURCE : CAA de PARIS, 2ème chambre, 11/04/2018, 17PA02028, Inédit au recueil Lebon

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