Une requête en référé expertise formée dans les délais interrompt-elle le délai de recours contentieux en annulation pour excès de pouvoir de la décision administrative ?

NON : dans un arrêt en date du 28 septembre 2020, le Conseil d’Etat considère que la demande adressée à un juge des référés d’ordonner une expertise sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative (CJA) n’interrompt pas le délai de recours contentieux dans lequel doivent être présentés, conformément à l’article R.421-1 du même code, les recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision administrative. Cependant, en  matière de contentieux indemnitaire, la demande adressée à un juge des référés d’ordonner une expertise pour rechercher les causes de dommages imputés à un service public interrompt le délai de recours contentieux contre la décision rejetant expressément la demande d’indemnité. Le délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l’expert ou de l’ordonnance rejetant la demande d’expertise. (Voir en ce sens Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 13/03/2009, 317567, Publié au recueil Lebon)


En l’espèce, par une décision du 14 décembre 2016, le directeur adjoint des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a placé Mme B…, agent de cet établissement, en congé de maladie ordinaire.

Saisi par Mme B… le 10 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a ordonné le 26 avril 2017 une expertise aux fins, notamment, de vérifier si son état de santé était imputable à l’accident de service dont elle avait été victime en 2010.

A la suite de la notification qui lui a été faite, le 27 octobre 2017, du rapport d’expertise, Mme B… a demandé à ce tribunal, le 5 décembre suivant, d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 décembre 2016.

Par une ordonnance du 11 juillet 2018, le président de la troisième chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu’elle était tardive et, par suite, irrecevable.

Par l’ordonnance du 24 septembre 2018 qui fait l’objet du présent pourvoi, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par Mme B… contre l’ordonnance du 11 juillet 2018.

Par suite, en jugeant que la saisine par Mme B… du juge des référés afin qu’il ordonne une expertise n’avait pas eu pour effet, alors même qu’elle était intervenue avant l’expiration du délai de recours contentieux contre la décision du 14 décembre 2016, d’interrompre ce délai, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a, contrairement à ce que soutient la requérante, pas commis d’erreur de droit.

 Il a pu, par suite, sans commettre davantage d’erreur de droit, en déduire que le recours pour excès de pouvoir formé par Mme B… contre cette décision était tardif.

SOURCE : Conseil d’État, 5ème – 6ème chambres réunies, 28/09/2020, 425630

JURISPRUDENCE :

S’agissant du contentieux indemnitaire :

Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 13/03/2009, 317567, Publié au recueil Lebon

« La demande adressée à un juge des référés d’ordonner une expertise pour rechercher les causes de dommages imputés à un service public interrompt le délai de recours contentieux contre la décision rejetant expressément la demande d’indemnité. Le délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l’expert ou de l’ordonnance rejetant la demande d’expertise. »

S’agissant de la saisine du juge des référés judiciaire à fin d’expertise :

Conseil d’Etat, 2 / 4 SSR, du 25 octobre 1968, 72542, publié au recueil Lebon (Sieur Perrière)

« Cons. enfin qu’il résulte de l’instruction que la demande en référé présentée le 9 mars 1964 devant le président du tribunal de grande instance de Draguignan tendait à ce que soit ordonné l’arrêt des travaux entrepris par la société civile immobilière « la tour blanche », a ce que soit désigné un expert x… de vérifier si les constructions en cours respectaient les servitudes légales et n’empiétaient pas sur le domaine public, enfin de rechercher les motifs pour lesquels le permis de construire n’avait pas été délivré ; que cette action engagée devant la juridiction civile, n’avait pas pour objet l’annulation du permis de construire accordé et publié, et n’a pu avoir pour effet de suspendre le cours du délai de recours devant la juridiction administrative ; »

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